
À un tournant décisif de l’histoire de cette nation meurtrie, une lueur d’espoir perce enfin à l’horizon. Le président de la République, Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a donné des instructions claires et fermes pour l'application effective des recommandations formulées par la Cour des comptes. Un geste fort, qui sonne comme une déclaration de guerre contre la corruption et la gabegie endémiques ayant gangrené les fondements de l’État, alourdi le quotidien du citoyen, et creusé des inégalités sociales devenues insupportables.
Car le pays a longtemps vécu sous la coupe de prédateurs impunis, qui ont pillé ses ressources avec une voracité insatiable, détourné ses budgets à l’abri des regards, et transformé la fonction publique en tremplin pour l’enrichissement personnel. Pendant ce temps, la justice, lorsqu’elle n’était pas absente, semblait souvent sélective, voire instrumentalisée contre les plus démunis.
La corruption ici n’a jamais été une simple série d’écarts individuels ; elle s’est muée en système bien huilé, avec ses mécanismes, ses protecteurs, et ses ramifications tribales et clientélistes, offrant aux grands prédateurs un bouclier politique et juridique. Pire, lorsque la lumière était faite sur certains scandales, les dossiers étaient prestement enterrés, quelques boucs émissaires sacrifiés, tandis que les requins, véritables responsables, continuaient à jouir de l'impunité et du pouvoir.
Et pendant que les milliards s’évaporaient, le citoyen, lui, affrontait chaque jour une réalité impitoyable : chômage de masse, services publics à l’abandon, système éducatif en lambeaux, santé sinistrée, et absence criante de justice sociale dans un pays qui semblait protéger ses corrompus bien mieux que ses pauvres.
Plus encore que ses finances, c’est l’âme même du pays qui a été éreintée. Le désespoir s’est installé lorsque les compétences furent écartées au profit des médiocres, pour la seule raison qu’ils appartenaient au sérail. Le mérite a cédé la place à la connivence ; l’éthique à la ruse.
Le plus grand tort de la corruption fut sans doute d’avoir sapé la confiance du peuple dans ses institutions. Par réflexe de survie ou par résignation, les citoyens en sont venus à tourner en dérision toute promesse de réforme, non par cynisme, mais parce qu’ils n’y croyaient plus.
C’est pourquoi les récentes initiatives présidentielles doivent être interprétées à la lumière de ce contexte pesant. Elles ne traduisent pas seulement une volonté d’appliquer la loi : elles incarnent une tentative de restauration de la confiance civique, un signal fort que l’État refuse désormais d’être l’otage de ceux qui ont accumulé des fortunes sur les ruines de la nation, gaspillé l’argent public au nom du développement, et hypothéqué l’avenir des générations futures sous couvert de légitimité et d’autorité.
Ce moment rappelle l’histoire du berger qui, s’emparant d’un bouc, se mit à traire ses pis. Interloqués, les gens lui lancèrent :
— « Trais-tu donc un bouc ?! »
Et lui de répondre, avec assurance :
— « Je le fais pour que les chèvres sachent que leur tour viendra. »
La métaphore est éloquente : il s’agit de commencer par les plus visibles, les plus exposés, ceux dont le sort pourrait envoyer un message clair. Mais l’objectif réel demeure d’atteindre les véritables têtes de réseau, les véritables artisans du pillage national — et ce, quel que soit le temps nécessaire ou les obstacles à franchir.
Un pays ne peut se reconstruire sur les décombres de l’injustice. L’espoir ne renaîtra que lorsque ce mal profond qu’est la corruption sera traité à sa racine.
Il est temps, grand temps, de redonner ses lettres de noblesse à l’État de droit. Celui qui ne gouverne ni au nom des allégeances, ni au gré des affinités, ni sous la pression des réseaux ; Un État qui fonde ses choix sur la compétence, récompense selon le mérite, sanctionne avec équité, et redistribue ses richesses de manière à garantir au plus humble sa dignité — et à la nation, son honneur