
Il n’est un secret que pour les dupes que la Mauritanie est, depuis son accession à l'indépendance, entre les mains d’une nomenklatura soudée autour de trois piliers fondamentaux, véritables instruments de reproduction du pouvoir et de la domination sociale.
La première est l’aristocratie de l’enseignement. Elle s’exprime par le contrôle des parcours scolaires et universitaires, des concours administratifs et des bourses. L’accès au savoir, censé être un levier d’émancipation et de mobilité sociale, est en réalité verrouillé par un cercle restreint qui se transmet privilèges et opportunités de génération en génération. L’école, loin d’être un espace d’égalité, devient un outil de sélection et d’exclusion.
La deuxième, l’aristocratie de l’emploi, prolonge naturellement la première. Elle se manifeste par la mainmise sur les postes stratégiques de l’administration, des entreprises publiques et des institutions nationales. Le mérite et la compétence y cèdent la place au réseau, au clanisme et à l’allégeance. Les carrières se construisent non dans les salles de concours, mais dans les cercles fermés où se distribuent les faveurs et les promotions.
Enfin, l’aristocratie des intérêts scellés par les mariages vient consolider cet édifice social. Les unions ne sont plus seulement des choix affectifs ou personnels, mais deviennent des alliances d’intérêts entre familles influentes. Par ce biais, les élites renforcent leur cohésion, élargissent leur sphère d’influence et verrouillent toute possibilité de mobilité pour les autres.
Ainsi se perpétue, sous des dehors modernes, une société hiérarchisée où le pouvoir circule en vase clos, où la naissance, le réseau et la parenté valent plus que la compétence ou la probité. C’est cette réalité feutrée mais implacable qui étouffe l’élan national, entretient la frustration et alimente le sentiment d’exclusion d’une large partie du peuple.