
"Le meilleurs dans le soleil c'est l'ombre"
Dix ans après sa première parution, cet article renaît dans un contexte où chaque mot trouve un écho nouveau. Alors qu’un dialogue inclusif s’esquisse, porteur des promesses d’un avenir meilleur, il s’inscrit dans le sillage du processus politique lancé par le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.
S'il existe aujourd'hui une composante essentielle à l'équilibre de la Mauritanie, c’est sans conteste celle des Harratines, sous l’ombre bienveillante desquels pourrait enfin naître la réconciliation d’un peuple en quête de justice, d’harmonie et de stabilité, mais toujours en proie aux lourds héritages de la stratification sociale et des castes d'une époque révolue.
Malgré un esclavage insidieux dont les séquelles demeurent perceptibles, les membres de cette composante font preuve d'une sagesse remarquable et d’une retenue exemplaire, qualités que bien d’autres semblent avoir perdues en ce tournant décisif de l'histoire nationale.
Forts d’une appartenance fondée uniquement sur l’islam et l’amour profond pour la terre mauritanienne, les Harratines représentent une synthèse éclatante de l’arabité et de la négritude dans ce pays carrefour, au croisement des civilisations africaines et arabes.
À l’image de Martin Luther King, qui, sous d’autres cieux, porta avec éclat et espoir son célèbre « I Have a Dream » — symbole de la lutte pacifique pour les droits civiques des Noirs américains —, les Harratines revendiquent aujourd'hui, avec dignité, fermeté et engagement, l'ensemble des droits que leur confère une citoyenneté pleine et entière.
L'engagement résolu de cette communauté pour sa liberté et son émancipation, irréversible désormais, n'a en rien altéré la sagesse patiemment acquise au fil des siècles, depuis les premiers jours de leur assujettissement à la honteuse pratique de l’esclavage. Les progrès réalisés sur le chemin de la dignité nourrissent l'espoir d'une Mauritanie réconciliée et tournée vers l’avenir, sur la base d’une égalité véritable entre tous ses citoyens.
Il convient ici de saluer, avec la plus grande estime, le rôle déterminant joué par tous ceux qui, depuis l'indépendance, ont lutté avec persévérance et abnégation contre cette ignominie : des figures emblématiques aux anonymes, leur mémoire collective et historique reste vivace. Grâce à leurs actions, ont été posées des pierres angulaires :
-Les premières chartes et constitutions de la jeune République, proclamant l'égalité des citoyens en droits et devoirs ;
-L’abolition officielle de l’esclavage sous le régime civil du Président Moktar Ould Daddah ;
- La réaffirmation de l'abolition par le régime militaire de Mohamed Khouna Ould Haidalla ;
Les prises de position de tous les mouvements politiques mauritaniens (Kadihines, nationalistes arabes et négro-africains) rejetant catégoriquement cette abjection ;
Les revendications d'associations et organisations de la société civile ;
Les manifestes des mouvements anti-esclavagistes tels que El Hor et SOS Esclaves ;
Les pétitions contre la ségrégation et l'esclavagisme ;
Les actions décisives pour les droits humains, notamment celles percutantes de l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA).
Le rêve de Martin Luther King — porté au cœur des années sombres de la ségrégation raciale aux États-Unis, face à l’activisme haineux du Ku Klux Klan — est ici, en Mauritanie, celui de tous les citoyens épris de justice et tournés vers l’avenir.
Tout comme l’évêque noir rêvait de voir un enfant noir et un enfant blanc assis à la même table, proclamant « Nous tenons ces vérités pour évidentes, que tous les hommes sont créés égaux », les Mauritaniens doivent rêver, eux aussi, d’une société unie et égalitaire. Ce rêve, prononcé devant une foule immense au Lincoln Mémorial de Washington D.C, le 28 août 1963, devint le point de départ d’un combat pacifique, inspiré par l’engagement de Gandhi, artisan de l’indépendance indienne et défenseur des droits des intouchables.
La société mauritanienne, malgré son organisation historique en castes et en strates, a toutefois évité, grâce à l'islam, la séparation radicale de ses groupes communautaires. L’islam a toujours rappelé que seule la piété, la droiture et le labeur déterminent la valeur d'un homme.
Aujourd'hui, plus que jamais, ce rêve d'égalité pour les Harratines n’est pas seulement permis : il est nécessaire. L’expérience historique montre que, derrière chaque grand rêve, se profile une grande réalisation :
En Inde, le rêve de Gandhi s'est concrétisé, et les anciens « intouchables » participent désormais à l'essor politique, scientifique et économique d'une Inde émergente.
En Mauritanie, tous les citoyens doivent rêver d’un avenir commun, uni et prospère. Pour y parvenir, ne serait-il pas judicieux d'allier le rêve de Martin Luther King, la non-violence de Gandhi, et la force unificatrice de l’islam ?
Un tel chemin, s’il est emprunté avec détermination, promettrait à notre nation, pour les générations présentes et futures, un avenir serein, équitable et florissant.