Lecture du discours II de Ouadane/El Wely Sidi Heiba

سبت, 20/12/2025 - 03:50

Le discours prononcé par le Président de la République, Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, à Ouadane, à l’occasion de l’ouverture de la 14ᵉ édition du Festival des villes anciennes, a largement dépassé sa dimension cérémonielle. Il s’est imposé comme un texte politico-culturel structuré, articulant la mémoire historique à un projet national contemporain fondé sur la citoyenneté et le renforcement de l’unité sociale.

En rappelant la place scientifique et civilisationnelle de la ville de Ouadane, le Président de la République a réhabilité cette cité historique en tant que trésor patrimonial d’exception, riche de manuscrits rares, d’un urbanisme singulier et de repères symboliques tels que la « Rue des Quarante Savants ». Par cette mise en valeur, Ouadane ne se réduit plus à un simple espace géographique ou à un vestige figé du passé, mais devient le symbole d’un rayonnement civilisationnel continu et le support d’un message implicite affirmant que la construction du présent ne peut se dissocier de l’assimilation des leçons du passé et de l’inspiration de ses valeurs.

Le discours ne s’est toutefois pas limité à la célébration de la mémoire. Il a établi un lien clair entre la préservation du patrimoine et le développement local. Dans une approche lucide, le Président a souligné que le festival n’est pas une fin en soi, mais un moyen de protéger l’héritage culturel, de stimuler les activités artisanales et d’encourager la fixation des populations dans leurs territoires d’origine. Cette vision traduit une conception avancée du développement intégré, qui considère les spécificités culturelles non comme un fardeau, mais comme un levier de développement durable.

Au cœur de l’allocution, la citoyenneté apparaît comme le pilier central de la vision politique exposée. Depuis Ouadane, le Président de la République a renouvelé son appel à se libérer des « hiérarchies factices » et des « stéréotypes » qui fragilisent la cohésion nationale. Il a ainsi réaffirmé une conception claire de l’État moderne comme un État de citoyenneté, garant des droits et promoteur des devoirs, et non comme un État fondé sur des appartenances étroites ou des loyautés fractionnées.

Cette orientation n’est pas restée au stade du discours théorique. Elle a été étayée par un ensemble de politiques publiques présentées comme la traduction concrète du choix de la citoyenneté, parmi lesquelles figurent notamment :

– l’école républicaine,

– la discrimination positive,

– la protection sociale,

– l’élargissement de la couverture sanitaire et de l'assurance maladie,

– la réforme de l’administration,

– le renforcement de la décentralisation.

 

Ces mesures visent, dans leur essence, à consacrer un principe fondamental : les droits sont accordés sur la seule base de la citoyenneté, et non en fonction du statut social ou de l’appartenance traditionnelle.

 

L’un des passages les plus significatifs du discours concerne le rôle des élites politiques, intellectuelles et médiatiques. Le Président y a insisté sur le fait que l’État, malgré tous ses efforts, ne peut à lui seul opérer les transformations profondes des mentalités et des comportements. Dans ce cadre, le discours a formulé une critique implicite de certaines élites qui proclament leur attachement à la citoyenneté et à l’unité nationale, tout en s’engageant, dans la pratique, dans des pratiques et rivalités tribales et claniques qui engendrent l'arbitraire, affaiblissent cette option et entravent sa concrétisation.

Cette mise au point revêt une importance particulière, car elle déplace le débat du seul registre des politiques publiques vers celui de la culture politique et des pratiques sociales, plaçant l’ensemble des acteurs devant une responsabilité collective dans la préservation et l’ancrage des « valeurs communes nationales » dans la conscience et dans l’action.

Le discours a également réaffirmé l’appel à un dialogue national inclusif, sans exclusion ni tabou, en tant qu’outil de construction d’un consensus autour des constantes fédératrices de la nation. Le succès de ce processus a été explicitement lié à l’implication des jeunes, présentés comme l’espoir du pays et le moteur de sa transformation, soulignant ainsi que le projet de citoyenneté ne peut ni se réaliser ni se pérenniser sans la participation active des générations montantes.

En définitive, le discours de Ouadane est parvenu à articuler trois niveaux complémentaires :

– un niveau symbolique, réhabilitant le patrimoine et la mémoire nationale ;

– un niveau politique, fondant une vision claire de l’État de citoyenneté ;

– un niveau critique, assignant aux élites la responsabilité du changement culturel et comportemental.

Le véritable défi, comme le suggère le discours lui-même, ne réside cependant ni dans la clarté de la vision ni dans la multiplicité des programmes, mais dans la capacité de la société, à travers ses élites et sa jeunesse, à traduire ce discours en pratiques quotidiennes, capables d’affaiblir les logiques de l’esprit de clan et d’élever la citoyenneté au rang de lien suprême et fédérateur.