Les chaînes de l’absurde / El Wely Sidi Heiba

ثلاثاء, 09/09/2025 - 13:35

Publié en février 2013

Au pays des grandes contradictions, les groupes dominants renaissent de leurs blessures, à l'image de certaines espèces animales qui régénèrent leurs membres perdus. Sauf qu'ici, ils repoussent plus toxiques, plus redoutables, plus douloureux.

Les vieux systèmes, rétifs à toute évolution, survivent en écornant les vents du changement, non pour construire, mais pour préserver leur emprise. Le progrès est entravé par une logique rétrograde qui ne recule devant rien : ni le pillage des ressources, ni les deals opaques avec les multinationales, ni la fraude budgétaire dans des secteurs déjà sinistrés.

Mais le mal le plus insidieux réside dans l’état psychique du peuple, atteint d’une schizophrénie collective, partagé entre :

·         une peur viscérale d’un présent instable,

·         une fascination paralysante pour les moules du passé,

·         une élite instruite mais moralement naufragée, prisonnière de ses propres contradictions. Elle prêche le savoir tout en trahissant ses valeurs, fuit l’effort pour se perdre dans le confort de la duplicité.

D’où cette situation opaque, déroutante, où même les plus lucides peinent à déchiffrer les dynamiques à l’œuvre. La lecture du réel se brouille, écartelée entre l'image idéalisée que l'on s'en faisait et la réalité crue d’un pays sapé de toutes parts : économiquement, moralement, culturellement, institutionnellement.

Tandis que le monde célèbre l’art, la pensée libre, la beauté publique et le progrès civique, on a ici l'impression de débarquer d’une machine à remonter le temps, échoué dans un angle mort de l'histoire, où même la poésie n’a plus d’asile ni d’audience.

L’improvisation y est érigée en norme, dans une atmosphère saturée :

·         de querelles byzantines,

·         d’appétits voraces,

·         de culte de la ruse, de la duplicité et du calcul mesquin.

Les conflits s’enchaînent, rythmés par les tambours de la discorde. On y allume les incendies pour mieux se vendre comme pompiers et en tirer profit. La corruption se systématise, la morale s'efface, l’argent sale se banalise.

Au sommet de cette tragédie absurde, l'on persiste avec une fidélité pathologique dans des pratiques anachroniques. Rien ne change, tout se recycle : les vices, les justifications religieuses tordues, l’impunité généralisée.

La religion devient, pour des sphères influentes, un simple alibi ; les textes sont détournés, la vertu travestie. Le droit, la citoyenneté, la réforme ? Autant de concepts dilués dans un marécage d’intérêts privés.