Le Tribalisme : Entre Intérêts Particuliers et Défis de la Modernité/El Wely Sidi Heiba

سبت, 01/02/2025 - 17:37

« Certains médias et plateformes numériques servent de tribune à des discours alimentant les divisions tribales et les conflits ethniques et communautaires, cherchant à tirer profit de cette polarisation. En exacerbant les fractures sociales, ces acteurs ravivent les blessures du passé « seibati » et approfondissent les divisions au sein de la société».

Le tribalisme : Moyen de chantage ou ciment social ?

Le tribalisme, dans son essence originelle, repose sur des liens de sang et une appartenance commune, garantissant solidarité et coopération entre les membres d'une même communauté. Il a longtemps constitué un socle social structurant, assurant protection et entraide. Cependant, lorsqu'il est exploité à des fins opportunistes, il devient un instrument de chantage, permettant à certains individus ou groupes d’imposer leurs intérêts au détriment du bien commun.

Au lieu de renforcer la cohésion nationale et de favoriser le développement, le tribalisme détourné sert à protéger des privilèges, à contourner les responsabilités et à perpétuer des injustices. Il devient alors un levier pour éviter toute remise en question des dérives institutionnelles et éthiques, compromettant ainsi les valeurs religieuses, civiques et démocratiques.

Rôle des médias dans la perpétuation du tribalisme

Plutôt que de jouer leur rôle fondamental d’éveil des consciences et de promotion des valeurs citoyennes, certains médias et plateformes numériques servent de tribune à des discours alimentant les divisions tribales et les conflits ethniques et communautaires, cherchant à tirer profit de cette polarisation. En exacerbant les fractures sociales, ces acteurs ravivent les blessures du passé «seibati » attisent les tensions tribales et approfondissent les divisions au sein de la société».

Cette instrumentalisation médiatique se manifeste sous plusieurs formes :

  • Le discours direct, qui alimente les clivages et renforce les replis identitaires.
  • La couverture sélective, qui met en avant la tribu comme acteur central, reléguant au second plan l'État de droit et la citoyenneté.

Ainsi, un cercle vicieux s'installe, où les enjeux de pouvoir tribaux prennent le pas sur les véritables défis du développement et de la justice sociale.

L’État entre passivité et complicité tacite

En théorie, l’État devrait être le garant de l’équité et du respect des droits fondamentaux. Or, dans de nombreux contextes, il adopte une posture d’inaction, voire de complicité tacite avec les pôles tribaux influents. Cette absence volontaire s’inscrit dans une stratégie plus large où le tribalisme est utilisé comme un outil de contrôle politique.

Certains acteurs de l’"État profond" manipulent les équilibres tribaux pour asseoir leur pouvoir, consolidant ainsi un système où l’appartenance prime sur la compétence et la méritocratie.

Les conciliations tribales : Des accords de façade sans solutions réelles

Dans ce contexte, les rencontres tribales prennent souvent la forme de conciliations superficielles, visant davantage à préserver des intérêts immédiats qu’à résoudre les antagonismes en profondeur. Ces accords temporaires repoussent les conflits sans les traiter décemment, perpétuant ainsi un déséquilibre institutionnalisé.

En l’absence de véritables réformes structurelles, ces réunions ne débouchent sur aucune solution durable, laissant place à une instabilité chronique.

Le tribalisme : Frein à la modernité et au développement

Dans les sociétés où le tribalisme demeure influent, le développement est entravé par la primauté des loyautés claniques sur l’intérêt général. Ce modèle limite l’émergence d’une gouvernance basée sur la compétence et la justice sociale.

À l’inverse, les nations qui ont su transcender ces dynamiques ont favorisé l’État de droit, garantissant l’égalité des citoyens indépendamment de leurs origines. Le maintien d’un tribalisme exacerbé empêche toute transformation structurelle vers un avenir plus juste et inclusif.

L’hypocrisie religieuse et la perpétuation du tribalisme

Ironiquement, certains cheikhs et imams, censés promouvoir la justice et l’égalité, contribuent à renforcer les divisions tribales. Par des interprétations biaisées des textes coraniques, ils justifient des systèmes discriminatoires contraires aux principes fondamentaux de l’Islam, qui prône l’unité et la fraternité.

Au lieu d’incarner un islam émancipateur et rassembleur, ces figures religieuses manipulent le discours religieux pour préserver des privilèges et légitimer des structures inégalitaires.

Vers une prise de conscience collective

Pour sortir de cette impasse, plusieurs actions s’avèrent indispensables :

  • Un engagement actif de l’État par l’instauration d’un cadre juridique qui limite l’influence du tribalisme sur la vie publique et renforce les institutions démocratiques.
  • Une responsabilisation des médias qui doivent promouvoir la cohésion sociale et les valeurs citoyennes au lieu d’alimenter les tensions ethniques.
  • Une réforme profonde et cruciale des mentalités pour éduquer les citoyens sur l’importance de placer l’intérêt général au-dessus des appartenances tribales.

L’avenir d’une nation ne peut être construit sur des bases archaïques et fragmentées. Seule une transformation profonde des dynamiques sociales, alliée à une application rigoureuse des principes d’égalité et de justice, permettra de briser ce cycle de divisions e de bâtir un État de droit inclusif et prospère.